Il y a eu

Dans le tic tac de l’ombre
Les instants déroulent l’inattendu.
Inouïes, inaperçues sont les tierces musique
Qui de soupirs en syncopes dessinent le souffle
De nos rêves – voile éperdue faseillant dans le vent.
Voués à l’acmé d’une ligne claire et tranchante
Nous avançons aveugles et avertis,
Surfant sur les risées et la houle
Convaincus de ne jamais nous renier.

Il y a eu des chalands, des marécages, des écluses.
Il y a eu des entre-deux pris dans les tissus du pire.
Il y a eu des frontières des fronts et des migraines
Il y a eu la mort qui coulait dans nos veines.

Dans les sillons de la terre
Les senteurs et les pas tracent la voie.
Les écueils et les tourmentes minérales sont la boue
Qui disent à nos souliers l’éternité et les lueurs fossiles.
Le soir la flamme réchauffe nos vies de ses veines lumière.
Nous savons, au crépitement du bois,
La relativité et la vitesse immobile
Qu’il faut à l’humain pour tenir debout,
Sans crainte et sans honte.
Avec sa foi.

Il y a eu des puits et des guerres, des coups de grisou
Il y a eu des voyages, des exils
Il y a eu l’amour et la guerre
Il y a eu l’exil et le port.

Dans l’absence blanche de la page
Les lettres et les mots font vivre la parole.
Elle s’élance démunie et nue
Médium et souveraine, kabbale qui apaise
Elle tourne moulin, à l’infini, et m’épingle papillon.
Alors je bats des ailes
Et elle essaime....

Visions

C’est demain, rien dans le ciel ne peut laisser présager : ou peut-être une densité différente, un parfum légèrement poivré qui se mêle à l’iode. Poivré, sucré, une teinte camaïeu de coucher de soleil à peine poisseux, des remous lents, presque angoissants et pourtant si rythmiquement ordinaires.
Le canot se balance à quai. Il n’y a rien que tu ne connaisses par cœur, depuis ton enfance : la découpe des roches volcaniques, leur magma pétrifié, les galets qui assuraient ta prise, enfant, quand grimpant à l’assaut du ciel dans un défi témoignant de ton audace, tu n’avais pas peur de la mort. La mer, qui haletait, ton amie.
Jamais de peur : tu partais loin avec confiance. Tu nageais, tu grimpais, tu brûlais !Mais que s’est-t-il passé ? As-tu rétréci ? As-tu vieilli, prenant peu à peu la mesure de l’immensité et de ses dangers ? De l’inconnu vecteur d’accrocs où seul le fatalisme s’érige en réponse à cette angoisse que tu as vu enfler au fil du temps ? As-tu soudain basculé, horrifié, couché sur la terre, refusant d’embrasser ce vaisseau céleste avec confiance ? Qu’as-tu fait de ton émerveillement quand les étoiles, vieilles de tant d’années, entraient en toi, complices ?
Et cette habitude que tu as prise d’écrire, de raconter, de tenter d’exorciser ainsi les ombres de la nuit, croyant tendre des filins vers des navires amis ? Ces paroles acharnées sur la VHF pour capter une parole venant de tes frères aspirés par ce décillement ont pris la place de ton insouciance.
Il pleut des comètes et des langues de feu, des scories, des tempêtes, des murs de houle, des fins du monde. À venir. Apocalypse now.
Intégré, désintégré dans ta vie d’enfant du vingtième siècle, la Shoa, Hiroshima, et le no future.
Il pleut des charniers, des chiens, de la conscience.Tout un magma de sang qui a tué ton innocence.
Tu regardes tes mains.
Fuir, partir, résister, partager, aimer.
Mourir relié.
Tu largues les amarres. Ton canot rejoint le navire, la voûte céleste éclatée, brisée en mille morceaux qui tombe sur les mains jointes.


Demain. Tu l’as toujours su. Nous prendrons un navire, un vaisseau, un envol. Nous nous compacterons, unique et multiples. Nous partirons, après avoir foutu notre maison à sac. Petits merdeux redoutables, canaille, racaille. Parce que nous aurons voulu réponse à nos questions. Nous partirons. La mer sera de glace. Le ciel sera de feu. Nous traverserons la baie des anges, sans savoir où nous allons.

Lipogramme

The Game

L'absence de celle-ci est problématique, laissant dans le vague la rhétorique.
L'énonciation elle même en est chamboulée car ses attributs ne sont pas mentionnés.
La chose est entendue, elle est essentielle, pour s'exposer l'homme, grâce à elle, n'a pas sa pareille.
En son absence il devient le vassal d'un texte et sans un moindre amusement il voit, sa parole chuter, n’étant pas cautionnée.
Personne n'en sort indemne.
Cherchant l'envers d'un maître, le complément de la dame, la question susceptible d'éclairer sur ce thème, il ne peut qu'avancer son moi, son ego - ce qui est peu approprié.
L'absence de celle ci le rend impersonnel, absurde, fou...
Il s’abandonne, feuilleté, divisé.
Elle ne semble pourtant pas capitale à la réalisation d’un livre comptant des milliers de pages.
Mais elle manque pour simplement dire, en son être, en son cœur, la vérité de sa parole.

Un étrange dessein



Ici,
Vient
D’abord
Un simple
Tracé encré
Où les lettres
S’assemblent et
Esquissent le mot.
Ensuite, vient le dire
Qui s’éploie et s’étend
Tel une aile effleurant la page :
Il emplume la phrase pour l’envol.
Alors l’écrit se précipite, vif sur la ligne.
Plus vite, plus vite, il se hâte, amorce son essor.
C’est parti pour le décollage, enthousiaste, il quitte le sol.
Ébloui, il s’élance et traverse les nuages, sa carlingue veut l’apogée !
Enfin, au moment voulu, il stabilise sa course en un long vol plané...
À l’acmé de son ivresse, il suspend son phrasé par un silence.
Ainsi s’annonce l’inévitable descente, le retour obligé.
C’est une courbe où glisse l’énoncé prisonnier
D’une contrainte visuelle. Mais le texte
Attrape le mors aux dents et se rue,
Contestant les limites arbitraires
Érigées par l’auteur, il cogne
Contre le ciel et tourbillonne,
Éructe d’orageuses vocalisations
Et accomplit enfin un looping réussi.
Peu lui chaut le désir du peintre en lettres
Son dessein est tout autre ! Foin de calligrammes
Et autres bouleversantes intentions de graphiste obsédé.
Lui, il veut léger, s’élever, décrire des volutes et jouer sur le sens,
Le rythme, les sonorités. Il n’est pas au service de la lettre, ni d’aucun signe,
Peut-être est-il le témoin d’ondes tracées par un électro-encéphalogramme ?

Parole d'amore

Laizy,
Tes identités
Dans la trame des mots
Traquant le cœur de l’être
Ouvrent des îlots
Où gîtent les tempêtes.

Laizy,
Sans lésiner
Tu remets tes mues et tes gésines
Sur la planche des métiers :

Tièdes rimes salées,
Hymnes, mélopées
Antiennes susurrées.

Laisy,
Tu m’assassines !

Vrilles
Au don de soi, rivées,
Entrebâillant les boutonnières de l’âme.

Toi – île farouche
Avec tes poings levés
Qui défendent ta bouche.

Ta baie imaginaire
S’échancre sur le temps
Des rêves de jadis.

Laizy...



Lorsque de ton pas ample tu dénoues les angoisses
Et te ris des nuées qui firent nos impasses
Traçant avec ton doigt un cœur sur le platane
De nos amours d’enfants inscrits en filigrane
Tu offres à ma terre des soleils étoilés
Qui caressent ma peau ouverte à tes baisers
Et dans la nuit, étonnés, nous nous regardons
Affolés et ravis, empesés d'abandon
À chacun de nos souffles, à l’orée de nos gestes
Danse la douceur, aujourd'hui manifeste.
Nous nous frôlons, vivants, heureux d’oser le faire
Ce geste de l’amour qui repousse nos « taire »...







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Autoédition autonome : l’auteur authentifié s’autorise sur l’autel des allitérations,
Blogue, blague et bruit. Il balbutie des brumes bigarrées et bizarres...
Coulent les chants qui cernent son cœur et qui chamboulent le cours
De son désir. Dire sans délai la dimension de sa déroute, demeure son domaine,
Et dans cette errance effeuillée, il écrit et encre une effigie. Il espère que l’esprit
Fera feu de sa fragilité, et flambera dans la folle fournaise sa feinte futilité.
Guidé par la gaieté, il goûte les gorges et les gares, la gaudriole et les geishas !
Hélas... Harassé, hébété, il fait halte : il hallucine une harpe hâtive qu’il hèle à tout hasard.
Il identifie un idéal ignoré, illisible, tel île illettrée. Une idée illicite l’illumine :
« Jadis je jouais !, jubile-t-il, mais jaugeant le jaspinage, je jette le jeton : joker ! »

Kiffant son kirsch, il kidnappe la Kabbale à des kilomètres kafkaïens. Son kaléidoscope
Louvoie loin des labours lancinants de la lettre. Lentement il longe la lanterne
Mordorée de sa modeste masure et maudit les malveillants qui murmurent et maugréent.
« Nul ne nuira à la nuée de nuages ! Naviguons ! , nasillonne-t-il, ou naufrageons les nuls !»
Ourdissant les orbites et les obliques où s’oblitèrent les oasis, il s’obnubile, obscur,
Pétrifié par de pauvres peccadilles. « Pourquoi ? psalmodie-t-il, pleurer pour des paroles ?
Que quelqu’un de qualifié quadrille ce quantum ! Quand donc quêterez-vous les questions
Réelles ? » Rageant il range ses rimes et son rhum. Il se remet à rire, ravi et rugissant.
Soudain une subite saillie surgit. Séquelle de ses soifs ? Surprise !
« Tu te tais ! »
Utilise ulcérée une
Voix voyageuse et vague :
— What ? Whiskey ? Wouiiiiii »
— Xénolite !
— Yodlons, yès !
— Zen...

Nuit

Juste laisser se déployer
Le cœur de la nuit – et s’y lover.
Dans le chuintement feutré,
Balancier, entre terre et mer,
Le cœur s’ouvre.
Epices du couchant, colonnes fraiches,
Assourdissantes, vraies,
Qui labourent nos êtres.
Embruns de charrue,
Houle de charme et peupliers,
Gîte éparse de brume,
Cèdre et merles à l’acmé
De la respiration.
Roseaux, landes et petits ducs enchevêtrés,
Dans le filigrane sonore
De la portée
D’une émotion :
La nuit m’enlève et me ravit.

Eh ben voilà

Aujourd’hui, j’ai ouvert une bouteille de champagne. Je me suis installée face à l’écran. D’aucuns diraient avec « moi-même », mais non, ce genre de tête à tête ne donne pas envie d’écrire en se disant : « ça y est, ce soir, je baptise mes premières lignes, le lancement d’un best seller qui va parler au monde ».
Non, cette démarche est généralement plus intimiste et ne présuppose pas quelques lecteurs.
J’ai fait ça, juste en revenant des toilettes (lieu qui favorise le tête à tête). Une inspiration, un espoir, peut-être, et un désir aussi : un je ne sais quoi qui vous emplit de certitude, au point de vous dire :"c’est ce soir que débute le grand œuvre de transmission du voyageur que tu es." Ouf, les mots sont lâchés dans leur plus pure vérité, brillant de leur diamantine évidence...

La première gorgée bue, déjà, tout se complique. À la dixième ligne, quelle déconfiture!

On va commencer simplement, d'accord?
Tout d'abord, la question préliminaire : qui suis-je?
(Comme si on pouvait répondre à ça!)

Les mots s'imposent et je me plie à leur contrainte, ils sont les maîtres de ce texte :

Vent, terre, neige, anguille, potage, sirène, vigneronne, vipérine, vilebrequin, paille, équinoxe, perception, Toscane, soleil, vigueur, ballon, fusil, couleuvre, vergeture, abrasif, accordéon, passer, chéquier, vibrionner, chocolat, lapin, Gloria, draguer, ébullition, pagode, joyeux, herbe, bleu, infiltrer, tortionnaire, évidence, hibiscus, éternuer, admirable, ananas, spectre, silhouette, carrelé, nénuphar, abhorrer, pas, cinquante, encore, lexique, camisole.

Rien ne vous empêche de jouer avec cette liste-là dans les commentaires!


Je me tiens sur un tertre balayé par le vent, auquel parfois se joignent quelques flocons de neige qui donnent à la terre ce parfum admirable qui s’infiltre dans nos êtres.
Etonnamment, malgré la latitude, cette perception m’entraine dans des réminiscences de soleil Toscane et met mon cœur en ébullition.

Peut-être que je suis une anguille, une couleuvre vipérine, une sirène qui passe et vibrionne à travers flots, vigneronne du lexique, forant avec vigueur l’évidence des mots, pour, avec mon vilebrequin , draguer leur herbe bleue, ouvrir les camisoles, et encore, tracer la silhouette d’une pagode naviguant entre les nénuphars. Ou les hibiscus, peut-être ?
Je ne sais...
Est-ce plume ? Est-ce paille ? Est-ce que je navigue dans le potage des équinoxes ? Les maisons en caramel chocolat ? Suis-je un ballon ou cinquante, fondant sur le fusil visant un lapin ? Les vergetures de Gloria, quand elle les regarde en écoutant des airs d’accordéon ?

Mais qui suis-je ? où suis-je ?
Je ne peux pas être ce tortionnaire qui réclamait dix feuilles de papier abrasif, cinquante et encore, n’est-ce pas ?
Je ne peux pas être ce que j’abhorre, ni sortir mon chéquier pour éponger mes dettes.
Je ne peux être ce spectre qui éternue dans un espace vide et carrelé !

Je me tiens sur un tertre balayé par le vent.
Joyeux, je déguste un ananas.