Plateau
Mille puissances dans nos êtres liés.
D’où viens-tu ?
Qui es-tu, toi que j’aime aussi intensément ?
Tu es proche, je le sais.
Essentielle.
Tu as parcouru les nœuds de mon être et les as réveillés.
Une vibration tendre nous protège du froid
Une douce chaleur à marcher sur la glace
Une lumière infinie où baigne notre amour.
Une beauté d’extase...
Nous allongées sur la terre, enlacées
Le cœur vers les étoiles,
Notre chaleur, notre amour.
Mon bonheur irradie.
Là
Lorsque l’atome à mon ciel suspendu a embrassé, démit et rendu grâce
Aux implosions de la parole.
J’ai défait toi aux mains tendres mille fois supplié et rencontré
Toujours recommencé.
Dans la haute note, le corps tordu de douleur
J’ai accordé mes cordes
Et maintenant je vais
Solitaire
Rendue à ma vérité
Vague
Irradiée dans mes veines
Comme un chant du désert
Qui psalmodie et envoûte
Aux saveurs des épices
Défaille mon odorât
Syncope, balbutiements
Apnée de mer étale
Un moment
Avant la puissante vague...
Parce que
Quand nous tenons la barre de la vie, jusqu’au bout.
Comment ne pas s’agenouiller d’amour ?
Navigation
Vient alors le temps de la mémoire, des routes dans le vent, des crépuscules, des chapelles, des montagnes, des torrents, des lacs, des cygnes et des roseaux. Un tourbillon d’émotions.
Et ton visage, ta voix. Toi.
J’oscille, bateau à quai, préparant ma route pour une autre traversée.
De voyages en voyages.
Les forces me reviennent amplifiées quand je bois à ton havre l’élixir de ton être...
Adieu, je m’en vais, vers une mer difficile, dans des conditions météo ardues.
Demain, tu m’accueilleras, à nouveau
Douleur
Les névés à venir de tes confirmations
Je titube, je m’affale
Tant de fois suspendue à ton respir
Que je veux disparaître au pays du désir.
De lait, de neige, ta gorge se décline
Et ton regard me poignarde
À l’acmé de ma joie.
Bleu, intense, il me fouille
Calme et infernalement désirant.
De ta voix, souffle incarné
Je retiens ton appel masqué
Et je pleure et j’implore :
Te laisser l’espace et le temps
Alors que tu m’enflammes si douloureusement
Que je clame l’impérieuse nécessité
De toi.
Balade
Des souffles qui respirent aux frontières
Fragrances exhalées au détour de la roche
Soleil pâle de l’hiver
Grelottant sur les monts
La paisible beauté
De nos cœurs apaisés
Ta main, à présent
Égrène lentement
Les intenses frissons
De nos âmes reliées.
Cap de nuit
Les voiles tendent leurs souffles
Sur ta chair
Voie lactée.
Tu viens, douceur de grain
À ma peau te mêler.
Légère, évanescente,
Ton toucher syncopé
M’enlève et m’enchante.
Toi, étoile filante !
Dans mon cœur, crépitent les vœux
Flamme incandescente.
Ainsi croisent nos routes
Navires isolés
Que leurs courses unissent
Dans le tangage doux
D’un chemin de cantine.
Rouge, le cap de nuit...
Tu
Volupté que je bois
À grandes lampées
Inouï fut ton geste
Par lequel tu m’as fait don
Des longs silences,
Plaines arasées sous le soleil
Infiniment...
Et gorgées, à craquer
D’un érotisme qui m’agenouille.
Ton parfum sur ma peau
Et mon cœur apaisé
Même après ton départ...
Groenland
Ta peau de lait qui frissonne et s'expose au froid
Ta voix qui teinte loin dans les étendues neigeuses
Et me ramène à toi...
Toi, qui marque mon nord,
Et dont les moindres gestes se répercutent
Dans l'infini de mon cœur
Tes rires, tes glissades, tes fuites
Tes colères, tes luttes, tes espoirs
Tes perditions quand tu as mal
Et ta présence soudaine, inattendue
Vivante, et si intense
Qu’elle réchauffe mon haleine.
Je soufflerai sur tes doigts froids
Mille petits grelots de soleil
Ça sera comme un igloo au cœur de la tourmente
Nous oublierons nos maux
Ton regard plongé en moi
Tempèrera mon cœur
Que sa chamade épuise
Tant que tu n’es pas là.
Mon regard, puisse-t-il
Te caresser, fondant
Dans un geyser
Où tu riras, abandonnée
À la vie, à la joie.
Il y a eu
Les instants déroulent l’inattendu.
Inouïes, inaperçues sont les tierces musique
Qui de soupirs en syncopes dessinent le souffle
De nos rêves – voile éperdue faseillant dans le vent.
Voués à l’acmé d’une ligne claire et tranchante
Nous avançons aveugles et avertis,
Surfant sur les risées et la houle
Convaincus de ne jamais nous renier.
Il y a eu des chalands, des marécages, des écluses.
Il y a eu des entre-deux pris dans les tissus du pire.
Il y a eu des frontières des fronts et des migraines
Il y a eu la mort qui coulait dans nos veines.
Dans les sillons de la terre
Les senteurs et les pas tracent la voie.
Les écueils et les tourmentes minérales sont la boue
Qui disent à nos souliers l’éternité et les lueurs fossiles.
Le soir la flamme réchauffe nos vies de ses veines lumière.
Nous savons, au crépitement du bois,
La relativité et la vitesse immobile
Qu’il faut à l’humain pour tenir debout,
Sans crainte et sans honte.
Avec sa foi.
Il y a eu des puits et des guerres, des coups de grisou
Il y a eu des voyages, des exils
Il y a eu l’amour et la guerre
Il y a eu l’exil et le port.
Dans l’absence blanche de la page
Les lettres et les mots font vivre la parole.
Elle s’élance démunie et nue
Médium et souveraine, kabbale qui apaise
Elle tourne moulin, à l’infini, et m’épingle papillon.
Alors je bats des ailes
Et elle essaime....
Visions
Le canot se balance à quai. Il n’y a rien que tu ne connaisses par cœur, depuis ton enfance : la découpe des roches volcaniques, leur magma pétrifié, les galets qui assuraient ta prise, enfant, quand grimpant à l’assaut du ciel dans un défi témoignant de ton audace, tu n’avais pas peur de la mort. La mer, qui haletait, ton amie.
Jamais de peur : tu partais loin avec confiance. Tu nageais, tu grimpais, tu brûlais !Mais que s’est-t-il passé ? As-tu rétréci ? As-tu vieilli, prenant peu à peu la mesure de l’immensité et de ses dangers ? De l’inconnu vecteur d’accrocs où seul le fatalisme s’érige en réponse à cette angoisse que tu as vu enfler au fil du temps ? As-tu soudain basculé, horrifié, couché sur la terre, refusant d’embrasser ce vaisseau céleste avec confiance ? Qu’as-tu fait de ton émerveillement quand les étoiles, vieilles de tant d’années, entraient en toi, complices ?
Et cette habitude que tu as prise d’écrire, de raconter, de tenter d’exorciser ainsi les ombres de la nuit, croyant tendre des filins vers des navires amis ? Ces paroles acharnées sur la VHF pour capter une parole venant de tes frères aspirés par ce décillement ont pris la place de ton insouciance.
Il pleut des comètes et des langues de feu, des scories, des tempêtes, des murs de houle, des fins du monde. À venir. Apocalypse now.
Intégré, désintégré dans ta vie d’enfant du vingtième siècle, la Shoa, Hiroshima, et le no future.
Il pleut des charniers, des chiens, de la conscience.Tout un magma de sang qui a tué ton innocence.
Tu regardes tes mains.
Fuir, partir, résister, partager, aimer.
Mourir relié.
Tu largues les amarres. Ton canot rejoint le navire, la voûte céleste éclatée, brisée en mille morceaux qui tombe sur les mains jointes.
Demain. Tu l’as toujours su. Nous prendrons un navire, un vaisseau, un envol. Nous nous compacterons, unique et multiples. Nous partirons, après avoir foutu notre maison à sac. Petits merdeux redoutables, canaille, racaille. Parce que nous aurons voulu réponse à nos questions. Nous partirons. La mer sera de glace. Le ciel sera de feu. Nous traverserons la baie des anges, sans savoir où nous allons.
Lipogramme
L'absence de celle-ci est problématique, laissant dans le vague la rhétorique.
L'énonciation elle même en est chamboulée car ses attributs ne sont pas mentionnés.
La chose est entendue, elle est essentielle, pour s'exposer l'homme, grâce à elle, n'a pas sa pareille.
En son absence il devient le vassal d'un texte et sans un moindre amusement il voit, sa parole chuter, n’étant pas cautionnée.
Personne n'en sort indemne.
Cherchant l'envers d'un maître, le complément de la dame, la question susceptible d'éclairer sur ce thème, il ne peut qu'avancer son moi, son ego - ce qui est peu approprié.
L'absence de celle ci le rend impersonnel, absurde, fou...
Il s’abandonne, feuilleté, divisé.
Elle ne semble pourtant pas capitale à la réalisation d’un livre comptant des milliers de pages.
Mais elle manque pour simplement dire, en son être, en son cœur, la vérité de sa parole.
Un étrange dessein
Ici,
Vient
D’abord
Un simple
Tracé encré
Où les lettres
S’assemblent et
Esquissent le mot.
Ensuite, vient le dire
Qui s’éploie et s’étend
Tel une aile effleurant la page :
Il emplume la phrase pour l’envol.
Alors l’écrit se précipite, vif sur la ligne.
Plus vite, plus vite, il se hâte, amorce son essor.
C’est parti pour le décollage, enthousiaste, il quitte le sol.
Ébloui, il s’élance et traverse les nuages, sa carlingue veut l’apogée !
Enfin, au moment voulu, il stabilise sa course en un long vol plané...
À l’acmé de son ivresse, il suspend son phrasé par un silence.
Ainsi s’annonce l’inévitable descente, le retour obligé.
C’est une courbe où glisse l’énoncé prisonnier
D’une contrainte visuelle. Mais le texte
Attrape le mors aux dents et se rue,
Contestant les limites arbitraires
Érigées par l’auteur, il cogne
Contre le ciel et tourbillonne,
Éructe d’orageuses vocalisations
Et accomplit enfin un looping réussi.
Peu lui chaut le désir du peintre en lettres
Son dessein est tout autre ! Foin de calligrammes
Et autres bouleversantes intentions de graphiste obsédé.
Lui, il veut léger, s’élever, décrire des volutes et jouer sur le sens,
Le rythme, les sonorités. Il n’est pas au service de la lettre, ni d’aucun signe,
Peut-être est-il le témoin d’ondes tracées par un électro-encéphalogramme ?
Parole d'amore
Tes identités
Dans la trame des mots
Traquant le cœur de l’être
Ouvrent des îlots
Où gîtent les tempêtes.
Laizy,
Sans lésiner
Tu remets tes mues et tes gésines
Sur la planche des métiers :
Tièdes rimes salées,
Hymnes, mélopées
Antiennes susurrées.
Laisy,
Tu m’assassines !
Vrilles
Au don de soi, rivées,
Entrebâillant les boutonnières de l’âme.
Toi – île farouche
Avec tes poings levés
Qui défendent ta bouche.
Ta baie imaginaire
S’échancre sur le temps
Des rêves de jadis.
Laizy...
Lorsque de ton pas ample tu dénoues les angoisses
Et te ris des nuées qui firent nos impasses
Traçant avec ton doigt un cœur sur le platane
De nos amours d’enfants inscrits en filigrane
Tu offres à ma terre des soleils étoilés
Qui caressent ma peau ouverte à tes baisers
Et dans la nuit, étonnés, nous nous regardons
Affolés et ravis, empesés d'abandon
À chacun de nos souffles, à l’orée de nos gestes
Danse la douceur, aujourd'hui manifeste.
Nous nous frôlons, vivants, heureux d’oser le faire
Ce geste de l’amour qui repousse nos « taire »...
TAGS
Blogue, blague et bruit. Il balbutie des brumes bigarrées et bizarres...
Coulent les chants qui cernent son cœur et qui chamboulent le cours
De son désir. Dire sans délai la dimension de sa déroute, demeure son domaine,
Et dans cette errance effeuillée, il écrit et encre une effigie. Il espère que l’esprit
Fera feu de sa fragilité, et flambera dans la folle fournaise sa feinte futilité.
Guidé par la gaieté, il goûte les gorges et les gares, la gaudriole et les geishas !
Hélas... Harassé, hébété, il fait halte : il hallucine une harpe hâtive qu’il hèle à tout hasard.
Il identifie un idéal ignoré, illisible, tel île illettrée. Une idée illicite l’illumine :
« Jadis je jouais !, jubile-t-il, mais jaugeant le jaspinage, je jette le jeton : joker ! »
Kiffant son kirsch, il kidnappe la Kabbale à des kilomètres kafkaïens. Son kaléidoscope
Louvoie loin des labours lancinants de la lettre. Lentement il longe la lanterne
Mordorée de sa modeste masure et maudit les malveillants qui murmurent et maugréent.
« Nul ne nuira à la nuée de nuages ! Naviguons ! , nasillonne-t-il, ou naufrageons les nuls !»
Pétrifié par de pauvres peccadilles. « Pourquoi ? psalmodie-t-il, pleurer pour des paroles ?
Que quelqu’un de qualifié quadrille ce quantum ! Quand donc quêterez-vous les questions
Réelles ? » Rageant il range ses rimes et son rhum. Il se remet à rire, ravi et rugissant.
Soudain une subite saillie surgit. Séquelle de ses soifs ? Surprise !
« Tu te tais ! »
Utilise ulcérée une
Voix voyageuse et vague :
— What ? Whiskey ? Wouiiiiii »
— Xénolite !
— Yodlons, yès !
— Zen...
Nuit
Juste laisser se déployer
Le cœur de la nuit – et s’y lover.
Dans le chuintement feutré,
Balancier, entre terre et mer,
Le cœur s’ouvre.
Epices du couchant, colonnes fraiches,
Assourdissantes, vraies,
Qui labourent nos êtres.
Embruns de charrue,
Houle de charme et peupliers,
Gîte éparse de brume,
Cèdre et merles à l’acmé
De la respiration.
Roseaux, landes et petits ducs enchevêtrés,
Dans le filigrane sonore
De la portée
D’une émotion :
La nuit m’enlève et me ravit.
Eh ben voilà
Non, cette démarche est généralement plus intimiste et ne présuppose pas quelques lecteurs.
J’ai fait ça, juste en revenant des toilettes (lieu qui favorise le tête à tête). Une inspiration, un espoir, peut-être, et un désir aussi : un je ne sais quoi qui vous emplit de certitude, au point de vous dire :"c’est ce soir que débute le grand œuvre de transmission du voyageur que tu es." Ouf, les mots sont lâchés dans leur plus pure vérité, brillant de leur diamantine évidence...
La première gorgée bue, déjà, tout se complique. À la dixième ligne, quelle déconfiture!
On va commencer simplement, d'accord?
Tout d'abord, la question préliminaire : qui suis-je?
(Comme si on pouvait répondre à ça!)
Les mots s'imposent et je me plie à leur contrainte, ils sont les maîtres de ce texte :
Vent, terre, neige, anguille, potage, sirène, vigneronne, vipérine, vilebrequin, paille, équinoxe, perception, Toscane, soleil, vigueur, ballon, fusil, couleuvre, vergeture, abrasif, accordéon, passer, chéquier, vibrionner, chocolat, lapin, Gloria, draguer, ébullition, pagode, joyeux, herbe, bleu, infiltrer, tortionnaire, évidence, hibiscus, éternuer, admirable, ananas, spectre, silhouette, carrelé, nénuphar, abhorrer, pas, cinquante, encore, lexique, camisole.
Rien ne vous empêche de jouer avec cette liste-là dans les commentaires!
Je me tiens sur un tertre balayé par le vent, auquel parfois se joignent quelques flocons de neige qui donnent à la terre ce parfum admirable qui s’infiltre dans nos êtres.
Etonnamment, malgré la latitude, cette perception m’entraine dans des réminiscences de soleil Toscane et met mon cœur en ébullition.
Peut-être que je suis une anguille, une couleuvre vipérine, une sirène qui passe et vibrionne à travers flots, vigneronne du lexique, forant avec vigueur l’évidence des mots, pour, avec mon vilebrequin , draguer leur herbe bleue, ouvrir les camisoles, et encore, tracer la silhouette d’une pagode naviguant entre les nénuphars. Ou les hibiscus, peut-être ?
Je ne sais...
Est-ce plume ? Est-ce paille ? Est-ce que je navigue dans le potage des équinoxes ? Les maisons en caramel chocolat ? Suis-je un ballon ou cinquante, fondant sur le fusil visant un lapin ? Les vergetures de Gloria, quand elle les regarde en écoutant des airs d’accordéon ?
Mais qui suis-je ? où suis-je ?
Je ne peux pas être ce tortionnaire qui réclamait dix feuilles de papier abrasif, cinquante et encore, n’est-ce pas ?
Je ne peux pas être ce que j’abhorre, ni sortir mon chéquier pour éponger mes dettes.
Je ne peux être ce spectre qui éternue dans un espace vide et carrelé !
Je me tiens sur un tertre balayé par le vent.
Joyeux, je déguste un ananas.

